Les sociétés anciennes vivaient sous la menace de la précarité, du chômage, des crises et des épidémies ; mais elles vivaient aussi le retour des famines et les rues des villes envahies de mendiants criant à la rage de la faim. Comment les hommes ont-ils vécu ces misères en France au Moyen Âge et à la Renaissance ?
Pour mener l’enquête, Jean-Louis Roch traque, recense et décrypte leurs mots : les lieux communs, les proverbes, et l’expression des sentiments, comme la honte ou la pitié. Il explore, à côté des archives, la littérature et en particulier le théâtre à destination populaire, les farces et les Mystères. Ce faisant, il multiplie les points de vue sur ces gueux sans souci, sans six sous : le travail précaire, l’obsession de la faim et de la ruse, la fraude et la violence, les mille et une stratégies de survie et les rêves de festins plantureux et du pays de Cocagne. Il raconte l’ambivalence du rapport aux pauvres, qui font rire au théâtre et que l’on chasse dans la rue : « truand », « maraud », « bélître », « gueux » ; des termes à l’étymologie mystérieuse.
En détaillant le vocabulaire de la misère à la fin du Moyen Âge, c’est l’ensemble de l’imaginaire social des humbles et un pan entier de la culture populaire qui se découvrent chemin faisant. Les mots des pauvres témoignent d’une très ancienne conception magique du monde, qui allait s’effacer lors de son désenchantement. Cela valait la peine d’aller voir à la fois du côté de la langue et du côté de l’histoire.
Introduction. Les mots aussi sont de l’histoire
Chapitre premier. Bons et mauvais pauvres au Moyen Âge
La révolution de la charité aux XIIe et XIIIe siècles
La fin du Moyen Âge : l’après peste
Chapitre II. Stratégies de survie et rêves des pauvres
Une économie d’expédients
L’omniprésence de la faim et de la ruse
La misère qui fabule
Le gueux sans souci et l’apologie de la pauvreté joyeuse
Chapitre III. La mélancolie et les pauvres
La tristesse et le désespoir
Les autres faces de la mélancolie
Le pauvre et la mélancolie
La maladie de faute d’argent
Comment sortir de la mélancolie
Chapitre IV. Le vocabulaire français de la pauvreté à la fin du Moyen Âge
La sphère du manque
La sphère de la douleur
La sphère de la pitié
La sphère de la Fortune
Meschant : le changement de sens
Triomphe et déclin de la Fortune
Du côté de la langue
Chapitre V. Aux marges de la nomenclature sociale : vrais et faux mendiants
Naissance d’un stéréotype
En ancien français (XIIe-XIIIe siècles)
Les truands mendiants et trompeurs
Les ribauds, les arlots et le pillage
Les coquins et la cuisine
En moyen français des termes plus spécifiques (XIVe-XVIe siècle)
Les hommes vagabonds
Les caymans fils de Caïn
L’ordre de bélître
Le maraud et le matou
Les bribeurs et leurs bribes
Les coquillards et les faux pèlerins
Les gueux
Les varigauds d’Amiens
Les caignardiers et le triomphe de la paresse
Les trucheurs : les mots de l’argot
L’évolution du paradigme du faux mendiant
Chapitre VI. Les mots et les gestes de l’aumône
Comment éconduire les mendiants importuns
De la bonne manière de faire l’aumône
La patience et l’inégalité
La moquerie rituelle
Un moment dans l’histoire de la pitié
Chapitre VII. L’Église et l’exclusion des pauvres
Au pays des sans-nom
Pauvreté volontaire et pauvreté involontaire
Le Mirouer des enfans ingratz
Conclusion
Chapitre VIII. Au-delà du Moyen Âge : lectures
Les fils de Caïn : les littératures de la gueuserie
Pauvreté masculine, pauvreté féminine
Conclusion. Des vocabulaires dans l’histoire
Lexique
Liste des locutions, maximes et proverbes
Bibliographie