Mardi 12 décembre 2017
19h00
Abbaye de Neumünster
L’un des écrivains français les plus réputés de sa génération présentera à l’Institut Pierre Werner des textes inédits et s’entretiendra avec Gisèle Sapiro.
Edouard Louis, né Eddy Bellegueule en 1992, a passé son enfance en Picardie. Après des cours de théâtre au lycée d’Amiens et des études d’histoire à l’université de Picardie, il suit à partir de 2011 des études de sociologie à l’ENS (Ecole Normale Supérieure) en tant qu’« auditeur libre ». En 2013, il dirige l’ouvrage collectif Pierre Bourdieu : « L’insoumission en héritage » (PUF).
En 2014, il publie « En finir avec Eddy Bellegueule » (Seuil), un roman à forte influence autobiographique, très largement commenté par les médias et salué pour ses qualités. « En finir avec Eddy Bellegueule » raconte l’enfance et l’adolescence du personnage éponyme dans un village de Picardie, le rejet qu’il subit à cause de ses manières efféminées de la part des gens du village et de sa propre famille, les violences et les humiliations qu’il endure dans un milieu où l’on n’aime pas les « pédés ». Les expériences que relate le narrateur dépeignent un univers où la misère et l’alcool accompagnent une reproduction sociale qui amène les femmes à devenir caissières après avoir abandonné leurs études et les hommes à passer de l’école à l’usine. « Eddy Bellegueule » prend conscience de son attirance pour les hommes et de son dégoût pour les relations hétérosexuelles, mais essaie de rentrer dans la norme. Devant le constat de son échec, il décide de fuir, et finit par quitter le chemin qui lui était tracé pour rejoindre un lycée d’Amiens où il découvre une autre classe sociale avec des codes différents.
Ce premier roman obtient en 2014 le prix Pierre Guénin contre l’homophobie et pour l’égalité des droits. En 2015, Edouard Louis a été classé par le magazine « Les Inrockuptibles » parmi les cent créateurs qui, dans tous les domaines, inventent la culture française d’aujourd’hui.
En 2016, il publie le roman « Histoire de la violence », qui en formant avec « En finir avec Eddy Bellegueule » une sorte de diptyque autobiographique, raconte le viol dont Edouard Louis a été victime en rentrant d’une soirée de réveillon de Noël. Ce soir-là, il rencontre Reda, un jeune kabyle, qu’il invite à passer la nuit chez lui. La situation dégénère : sous la menace d’une arme, il est étranglé et violé par Reda. Le roman est centré sur les répercussions et les sources de cette violence, intégrant les étapes postérieures (examens médicaux, plainte portée auprès de la police, révélation aux proches) et une réflexion sur l’histoire de Reda. Le récit est relaté par Édouard, mais également par sa sœur Clara, qui raconte l’histoire à son mari, avec sa propre interprétation des faits. Le narrateur écoute secrètement la version de sa sœur, ajoutant un commentaire critique.
Ainsi, à plusieurs niveaux narratifs, on suit le déroulement chronologique de cette nuit sordide et l’on déchiffre les modèles de perception si dissemblables entre la soeur, la police et la victime elle-même. « Histoire de la violence » est donc à la fois un livre intimiste et politique, mais aussi un récit susceptible de déclencher de vrais débats littéraires.
« En revenant sur mon enfance, mais aussi sur la vie de Reda et celle de son père, en réfléchissant à l’émigration, au racisme, à la misère, au désir ou aux effets du traumatisme, je voudrais à mon tour comprendre ce qui s’est passé cette nuit-là. Et par là, esquisser une histoire de la violence. » (Edouard Louis)
Gisèle Sapiro, née en 1965, est une sociologue française. Ses travaux s’inscrivent dans la continuité de l’œuvre de Pierre Bourdieu, auprès de qui elle obtient son doctorat en 1994. Elle a notamment travaillé sur le rôle de l’écrivain entre le 19ème et le 21ème siècle, la traduction et les effets de la mondialisation. Gisèle Sapiro est directrice de recherche au CNRS et directrice d’études à l’EHESS.